Eux ? En faveur du libre-échange ? Quelle drôle d'idée ! Avec le vote sur le Mercosur, les macronistes tentent de se racheter une bonne conscience nationale, après avoir voté pour tous les accords commerciaux similaires.
Quand ils sont arrivés au Palais Bourbon, les macronistes ont tenté une manœuvre périlleuse : faire croire qu’ils n’étaient ni de droite, ni de gauche. Huit ans après, la cabriole est devenue salto arrière : ils veulent nous faire croire qu’ils ne sont pas pour des traités de libre-échange qui mettraient en danger l’agriculture française face à une concurrence déloyale. Le libre-échange, jadis chemin quasi-inévitable auxquels seuls les pires « populistes » et autres extrémistes pouvaient se refuser, n’est plus à la mode. Avec la mobilisation massive des agriculteurs en 2023, en partie renouvelée en 2024, la signature d’un accord de libre-échange avec le marché commun sud-américain (Mercosur) est devenue un impensable politique, jusqu’à l’Élysée et aux rangs macronistes, jadis soutiens de l’accord… et de tous ceux qui ont précédé.
Mardi 26 novembre, l'opposition du gouvernement à l'accord a été validée par l'Assemblée nationale avec 484 voix pour et 70 contre, avec le soutien de tous les macronistes – sauf Élisabeth Borne qui s'est « trompée » de bouton.
Le CETA comme jurisprudence
C’est la dernière grosse épine dans le pied des libéraux, celle qui a été traînée jusqu’en 2024 devant le Parlement : le Ceta. Le 23 juillet 2019, alors que le très controversé accord de libre-échange avec le Canada passait en première lecture devant la représentation nationale, une écrasante majorité des membres de l’opposition votait contre le texte, notamment l’intégralité de la gauche et du Rassemblement national. L’accord n’a alors valu son passage – une courte majorité – qu’aux députés du bloc présidentiel, à l’époque majoritaire.
À LIRE AUSSI : Agriculture: comment l'accord UE Mercosur risque de plomber les paysans français
Sur les 305 députés de la République en Marche (l’ancien nom du parti majoritaire), 229 avaient voté pour la ratification de l’accord. Un chiffre qui avait tout de même étonné à l’époque, puisqu’une cinquantaine de députés de la majorité avait fait le choix de s’abstenir pour marquer leur désaccord, et huit avaient même voté contre. Ce petit vent de fronde était à l’initiative de l’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire d’Emmanuel Macron, Nicolas Hulot, auteur d’une lettre ouverte à ses anciens collègues dans laquelle exhortait à ne pas voter le Ceta : « Ayez le courage de dire non. »
« Le courage de dire OUI »
Mais la rébellion contre le libéralisme qui met en danger notre souveraineté agricole ne comptait, à l’époque, pas en son sein les cadors macronistes de la première heure, comme Aurore Bergé, Sacha Houlié, Gilles Legendre ou encore Yaël Braun-Pivet. Tous ont pourtant voté contre le Mercosur, mardi 26 novembre, à l’Assemblée nationale… Un changement radical. À l’époque, la fidèle libérale Aurore Bergé avait même répondu frontalement à la demande de Nicolas Hulot : « Je préfère avoir le courage de dire OUI à un accord qui est bénéfique à notre économie et nos emplois. À un accord strict sur les questions sanitaires et environnementales, obtenu grâce au travail du gouvernement et des parlementaires. »
À LIRE AUSSI : Culture du secret: comment l'accord avec le Mercosur est actuellement négocié dans l'opacité
Depuis, la macroniste s’affiche fièrement comme une défenseure de l’agriculture française, avec une publication sur X (ex-Twitter) affirmant que « notre agriculture ne peut pas être la variable d'ajustement de traités de libre-échange ». « Pour soutenir nos agriculteurs, pour défendre nos principes environnementaux, j'ai voté contre l'accord avec le Mercosur », ajoute-t-elle l’air de rien. Fait notable, le vote « POUR » le Ceta trouvait à l’époque dans ses rangs l’ancien macroniste Aurélien Taché, entre-temps devenu écologiste puis insoumis vent debout contre le libre-échange. Les temps changent…
Un tropisme libéral à Strasbourg
Du côté des élus européens, le retournement de veste n’est pas moins impressionnant. Lundi 25 mars 2024, alors que le Ceta revenait une nouvelle fois à l’Assemblée, après avoir été rejeté deux fois par le Sénat, la tête de liste de la Macronie, Valérie Hayer, pour les élections européennes était encore ostensiblement libre-échangiste. Elle défendait ce qu’elle estimait être « un bon accord pour nos agriculteurs ». Elle s’est alors placée dans le sillon d'Emmanuel Macron lui-même, qui fustigeait au même moment « la démagogie » des opposants.
À LIRE AUSSI : Du Parlement européen en 2017 à l'Assemblée en 2024 : comment le CETA a perdu de la voix
Depuis 2019, les eurodéputés macronistes ont eu de nombreuses occasions de s’opposer aux différents accords de libre-échange. Certains partenariats sont de taille minime, mais c’est bel et bien leur accumulation qui représente un danger de poids pour les différentes industries françaises. Les députés Renew, groupe politique européen auquel appartiennent les eurodéputés macronistes, ont massivement voté pour les quatre accords commerciaux qui leur ont été proposés depuis 2020 avec les pays suivants : le Vietnam, la Nouvelle-Zélande, le Kenya et le Chili. Et nos Français n’ont pas fait acte d’indépendance…
À LIRE AUSSI : Danger pour la santé, législation : du bœuf aux hormones dans le Brésil du Mercosur, faut-il déjà avoir peur ?
Stéphane Séjourné a par exemple voté pour l’accord de libre-échange avec le Vietnam et pour l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande. Idem pour Valérie Hayer. Gilles Boyer, le très proche d’Édouard Philippe, ne s’est pas démarqué non plus. Il a voté en faveur de tous les accords commerciaux possibles, même ceux avec le Chili et le Kenya. Le mondialisme, c'était mieux (vu) avant.